Environnement Préserver la ressource 'phosphore' en recyclant le lisier de porc
Face à la pression environnementale croissante sur la concentration des effluents rejetés en rivière et à l’incitation forte à la réduction des doses d’engrais, de nombreux scientifiques et entreprises cherchent aujourd’hui à développer les procédés de recyclage des fertilisants, en particulier du phosphore.
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D’après les prévisions d’évolution des coûts d’extraction du minerai de phosphate, l’engrais issu du recyclage serait compétitif avec les engrais miniers à l’échéance de dix ans.(© Terre-net Média) |
« Les phosphates calciques ou magnésiques dont la struvite, utilisables en agriculture, sont les produits de recyclage les plus courants. Ils sont obtenus par la précipitation du phosphore dissous des effluents urbains ou industriels par ajout de sels de calcium ou de magnésium », expliquait en février dernier Marie-Line Daumer (Cemagref Rennes), à l’occasion des 42e Jrp qui se déroulaient à Paris.
Dissoudre le phosphore minéral du lisier
Plusieurs possibilités de dissoudre le phosphore ont été testées, notamment sur le lisier de porc et les fientes de poules. « Dans cette étude, nous avons comparé l’efficacité de l’acide formique (AF) et de l’acide acétique (AC) pour dissoudre le phosphore minéral, contenu dans le lisier traité biologiquement avant de le recycler par précipitation sous forme d’engrais phosphaté », détaillait Marie-Line Daumer.
Pour compléter l’étude, une première estimation de l’intérêt économique de ce procédé (voir l'encadré) a également été lancée.
Le principeDes quantités croissantes d’acide acétique ou d’acide formique ont été ajoutées pour atteindre un pH d’environ 4,5, requis pour dissoudre plus de 80 % du phosphore total des lisiers. Après 72 heures de décantation, le surnageant est séparé et de l’oxyde de magnésium (MgO), de qualité laboratoire, est ajouté pour obtenir un pH compris entre 8,5 et 9, permettant de précipiter l’intégralité du phosphore dissous. Après 3 heures d’agitation, le produit est filtré sur des sacs filtrants (100 μm) et séché à température ambiante. |
Intérêt avéré de l’acide formique
Plusieurs acides ont été testés dans l’étude menée au Cemagref. Toutefois, l’acide formique se révèle le plus intéressant, du fait de la réduction des quantités de réactifs nécessaires à la dissolution et à la précipitation. « L’acide formique permet de dissoudre efficacement le phosphore et de le séparer de la matière organique particulaire. »
Si la précipitation à l’oxyde de magnésium reste une alternative envisageable pour recycler le phosphore dissous d’un effluent sous une forme valorisable, ce procédé reste toutefois très coûteux : « l’étape de dissolution devra être optimisée pour que le procédé dans son ensemble devienne compétitif avec les systèmes actuels de traitement et que le coût de production du produit de recyclage soit comparable à celui des engrais miniers ».
Les résultats en détail
Les performances obtenues avec l’acide acétique et l’acide formique sont équivalentes. Mais les doses nécessaires pour atteindre ce même résultat sont différentes : il faut en effet 20 kg/m3 d’acide acétique pour dissoudre le phosphore, contre 8 kg/m3 pour l’acide formique. De même, la quantité d’oxyde de magnésium varie selon l’acide utilisé : elle est de 2 kg/m3 de lisier traité avec l’acide acétique et de 1 kg/m3 avec l’acide formique. Dans les deux cas, l’ajout d’oxyde de magnésium permet de précipiter environ 98% du phosphore dissous de la phase liquide.
« L’étape limitante pour améliorer les performances du procédé est la séparation par décantation après l’acidification puisque près de la moitié du phosphore initial reste dans le liquide interstitiel des boues », annonçait toutefois Marie-Line Daumer confiant que « la mise en place d’un équipement de séparation mécanique de type table d’égouttage à la place de la décantation permettrait de recycler 80% du phosphore. Ce taux est souvent requis aujourd’hui dans le cadre de la réglementation sur le traitement des lisiers de porcs ».
Compétitif pour une distance d’utilisation supérieure à 400 km
Afin d’évaluer l’intérêt économique d’un tel procédé, le Cemagref a poussé l’analyse pour déterminer le coût d’un traitement. « Dans les conditions actuelles (Ndlr: décantation), le coût pour traiter un mètre cuve de lisier est estimé à 12 €, soit environ 2 à 4 fois supérieur au coût d’une centrifugation (Ndlr: technique de traitement actuelle) pour un rendement inférieur » résumait la spécialiste de l’institut. Dans le détail, l’étape d’acidification représente deux tiers de ce coût global.
« En considérant que le prix de vente du produit est proportionnel à sa concentration en phosphore et en intégrant le coût de transport de l’unité de phosphore de chacun des produits, le procédé de recyclage deviendrait compétitif avec la centrifugation pour une distance d’utilisation du produit supérieure à 400 km. » Avec l’introduction d’un système de séparation mécanique, le coût du traitement serait légèrement augmenté du fait de la quantité, plus importante, d’oxyde de magnésium nécessaire pour la précipitation (+2,70 €/m3), mais la distance pour que le procédé soit compétitif avec la centrifugation serait réduite à 250 km.
On voit donc que ce coût reste aujourd’hui élevé. Toutefois, dans le cadre d’un principe de préservation de la ressource, « l’ajout d’une séparation mécanique au procédé de recyclage permettrait de réduire, de 25 à 15 euros, le coût de production de la tonne de phosphore utilisable en fertilisation », concluait Marie-Line Daumer. À titre indicatif, le prix public de la tonne de phosphore vendue sous forme de superphosphate en sac de 50 kg est de 8 à 10 €/t de phosphore.
Pour aller plus loin : http://www.ifip.asso.fr/
Le saviez-vous ?Dans les effluents d’élevage (lisier de porcs ou fientes de poules) le phosphore est sous forme minérale particulaire, inclus dans la phase solide principalement composée de matière organique. Ses applications sont limitées à celles du compost obtenu à partir de la matière organique ou du produit séché. Sous cette forme, le phosphore est difficilement substituable aux engrais minéraux, notamment à cause du coût de transport de la matière organique associée à l’unité de phosphore. La dissolution du phosphore suivie de la séparation du surnageant enrichi et du solide permet de séparer le phosphore de la matière organique. Il est alors possible de le précipiter sous forme de phosphate calcique ou magnésique. |
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